Les relations professionnelles du CPE et la notion de bien-être au travail

, par Catherine FORET

Débutons ce thème par de petites définitions qui nous permettrons de border ce sujet si vaste et complexe.

Alors que Le Larousse nous propose une définition sur les notions de plaisir et d’épanouissement comme un état de grâce, le vocabulaire professionnel usuel apporte une notion de responsabilité pour « prévenir les risques » et la présente comme nécessaire et ajustable au fonctionnement de la structure ou l’organisation. Dès lors, nous comprenons que les objectifs de développement personnel et de fonctionnement pour le travail (du latin tripalium – instrument de torture-) ne sont pas les mêmes : l’un épanouit quand l’autre permet de supporter le labeur.

Ainsi, selon le Larousse  : le bien être se définit par un « État agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit. [C’est] éprouver une sensation de bien-être » . Il propose des synonymes tout aussi porteurs de « - bonheur - euphorie - félicité - jouissance – et plaisir »
Alors que l’INRS (Institut National de Recherches et de Sécurité – association à but non lucratif, dont les actions majoritairement financées par la CNAM sont orientées comme priorités par les pouvoirs publics) donne une définition fonctionnelle :
Il s’agit de « Construire une politique de bien-être au travail [qui] permet à la fois de réduire les risques psychosociaux et d’agir sur le climat collectif et sur la motivation dans le travail. […]
La notion de bien-être au travail est un concept englobant, de portée plus large que les notions de santé physique et mentale. Elle fait référence à un sentiment général de satisfaction et d’épanouissement dans et par le travail qui dépasse l’absence d’atteinte à la santé. Le bien-être met l’accent sur la perception personnelle et collective des situations et des contraintes de la sphère professionnelle. Le sens de ces réalités a, pour chacun, des conséquences physiques, psychologiques, émotionnelles et psychosociales et se traduit par un certain niveau d’efficacité pour l’entreprise. »

Nous retiendrons le « concept englobant un sentiment général de satisfaction et d’épanouissement dans le travail selon une perception personnelle et collective, [comme une balance en équilibre entre les] contraintes [et les perspectives] de la sphère professionnelle  ».

Dès lors nous comprendrons qu’un biais s’installe, qu’un sentiment reste somme toute individuel, selon l’expérience singulière que le salarié développera dans son environnement de travail.
D’autant plus lorsque l’on épouse la conception d’Herbert BLUMER : « les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux ».
Répétez vous cette phrase, elle révèle la clé de toute interaction sociale et permet de prendre le recul nécessaire pour comprendre la réaction des personnes face aux évènements.
En effet toute expérience humaine est unique et sa perception se projettera à travers le prisme de chacun -son histoire, sa personnalité et ses sensibilités-.

Ainsi, pour s’approprier la notion de bien-être au travail dans le prisme du métier de Conseiller Principale d’Education, nous interrogerons les leviers potentiels au regard de nos pratiques professionnelles. En effet, notre équilibre au travail est essentiel pour nous-même, mais il s’agit aussi pour nous d’une responsabilité -par délégation du Chef d’établissement- dans la gestion et l’animation de l’Equipe de vie scolaire et par conséquent des personnels qui nous sont « confiés ».
Nous aborderons les notions de communication, de méthodes de travail collectif, de hiérarchie institutionnelle et organisationnelle, et développerons les stratégies favorables à l’épanouissement professionnel à travers nos champs de compétences.

I- L’ORGANISATION : Cadrer c’est rassurer.

LE CPE -entre Gaïa et Ouranos (😉 référence de la mythologie grecque et à notre serveur académique)-, entre la terre -le terrain- et le ciel -l’expertise professionnelle nécessaire pour projeter et encadrer les interventions de l’Equipe de Vie scolaire dans une globalité-.

CONCEPTEUR DE SON ACTIVITE, le CPE exerce dans l’environnement d’un EPLE, placé sous la responsabilité du Chef d’Etablissement. Notre organisation est donc soumise aux exigences contextuelles et celles du Chef d’établissement garant de la réalisation des axes communs définis au projet d’établissement.

Souvent, nous sommes tiraillés entre ces deux aspects de notre travail : les contraintes fonctionnelles -comme notre présence nécessaire sur terrain, les réunions- et les projets qui nécessitent une démarche réflexive. Nous pouvons même culpabiliser de nos choix selon la réalité perçue par les autres.et peinons à trouver l’équilibre satisfaisant - entre disponibilité et travail personnel (de suivi, de gestion de l’Equipe de vie scolaire…)
Mais rien ne sert de se surcharger au risque de se laisser submerger, ni de se fixer trop d’objectifs pour soi et les autres sous peine de s’exposer à un surmenage professionnel. Découper les tâches si nécessaire, revenir au terrain lorsque l’on ne comprend plus ce qui ne fonctionne pas et organiser s’il le faut son travail sous forme de tableau sur du court/moyen et long terme. Ces stratégies simples permettent quand il le faut de se prémunir du risque de débordement et de perte de la capacité de discernement. Or travailler dans l’humain, aider à faire grandir et s’épanouir les autres, implique de s’autoriser à prendre soin de son équilibre psychologique – même au travail-.
Et à l’impossible nul n’est tenu, alors il est parfois obligatoire de prendre ce temps de recul pour ne pas se laisser envahir par le sentiment de frustration face à une partie du travail qui reste invisible – toutes ces petites actions du quotidien qui happent notre temps-, puisque oui l’inconscient collectif se demande bien « ce que font les CPE quand les élèves sont en cours … »
Nous devons trouver l’équilibre entre notre liberté de gestion et le partage des responsabilités, mais aussi entre notre vision du métier et l’équilibre d’une vie personnelle épanouie en respectant par exemple le droit à la déconnexion sur nos jours off, en expliquant nos horaires si il le faut, et en gardant la possibilité- ouverte à tous- de savoir dire NON sans culpabiliser.

C’est à travers la définition claire de nos axes de travail que nous pourrons nous prémunir de la pression de l’activité collective tout en préservant le temps nécessaire au travail d’équipes. C’est aussi en dialoguant avec l’ensemble des collègues que nous pouvons expliciter parfois notre posture professionnelle, car nous sommes associés à l’Equipe de Direction, ce qui ne représente pas une opposition mais la justesse de notre devoir de discrétion.
Ainsi l’élaboration d’un projet de vie scolaire sous forme de tableau (présenté ici) permet de rendre visible et accessible la priorisation et l’activité de l’équipe selon notre expertise du contexte mais aussi de rassurer par le cadrage de notre intervention.

Et c’est dans notre mission d’ANIMATEUR DE L’EQUIPE DE VIE SCOLAIRE justement, que nous sommes amenés à piloter et à ce titre, nous devons nous interroger sur notre responsabilité vis-à-vis du bien-être des personnels de vie scolaire.
Cette mission nous engage à donner la direction et le sens de l’activité de l’Equipe pour assurer l’épanouissement de ses membres. Donner du sens pour réunir autour des valeurs de l’Ecole et se prémunir de l’aliénation professionnelle favorisée par la répétitivité des tâches et la lassitude due parfois au sentiment d’impuissance ou la perte de sens de la visée collective de l’acte éducatif. Nous n’avons pas non plus un rôle de coach ou d’assistante de vie car notre responsabilité est tournée vers les élèves et nous devons conserver face à l’Equipe une posture professionnelle dans laquelle chacun doit garder son rôle.

Dans cette perspective, le leader BEINVEILLANT est un positionnement stratégique à adopter dans les relations professionnelles -autrement dit « le management » de l’Equipe de vie scolaire- pour impulser l’esprit d’une équipe soudée et progressiste, dans laquelle chacun trouve sa place. Une équipe mixte, forte de ses anciens membres qui a conscience de la nécessité d’une dynamique d’évolution et qui a à cœur d’accueillir positivement les nouveaux arrivants.
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Il convient de transmettre un regard constructif pour se prémunir de la micro-gestion qui revient à focaliser sur les détails du quotidien et privilégier la valorisation des objectifs communs. Il s’agit de faire partager la vison selon laquelle chacun est un acteur engagé inscrit dans ce projet collégial. Mettre en avant les compétences individuelles pour activer la motivation dans l’exécution des tâches et souligner ce qu’il apporte dans l’équipe.
NB : Ces propositions sont multidirectionnelles et applicables tant dans nos relations à l’équipe de vie scolaire qu’avec la hiérarchie et les autres personnels de l’établissement.

Dès lors, pour engager une dynamique de bien-être au travail, il est nécessaire de :

  • 1- CULTIVER L’OPTIMISME : c’est féliciter les réussites et accepter dans le respect des personnes humaines leurs imperfections. Chaque intervenant fait de son mieux et apporte quelque chose qu’il faut savoir exploiter.
    C’est aussi dégager du temps pour des moments de « pause ». Ces instants sont nécessaires pour tisser les liens et favoriser les encouragements en équipe. Même si il reste parfois nécessaire de débriefer en individuel certaines situations, il ne faut pas oublier de reconnaître et remercier la force collective.
  • 2- ARROSER de DIALOGUE & d’ECHANGES  : c’est savoir adapter nos méthodes et nos temps de communication pour transmettre une information entendable et faire adhérer notre interlocuteur selon la visée que l’on veut atteindre.
    Professionnellement les différentes situations de communication - en réunions ou en entrevues individuelles- déterminent les objectifs qui ne seront pas les mêmes. En effet, dans la première, les points -préparés en amont- permettent de définir le collectif ; tandis que dans le deuxième, l’attention est portée sur le développement et l’épanouissement professionnel de l’individu que l’on s’efforcera de (re)placer comme cet « acteur engagé » au cœur de l’organisation et de son projet. Ne pas attendre la réunion pour énumérer des critiques publiquement est une notion essentielle pour respecter la personne et ne pas la désengager professionnellement.
    Il est nécessaire lors de réunions de développer le regard critique sur les dysfonctionnements sans chercher de coupable, pour réfléchir en équipe et permettre la collaboration et l’objectivation de l’activité et trouver ensemble des solutions.
    Pour s’assurer de la tenue du rôle de chacun, nous pouvons évoquer l’effet Ringelmann ou le syndrome du passager clandestin. En effet, dans les organisations humaines, il s’agit de responsabiliser les personnes à travers l’analyse des pratiques par des « feed back lors de réunions participatives. Il est important de mettre l’accent sur une communication seine et sereine, en ajoutant un cadrage clair pour que chacun accomplissent ses missions définies par le projet de service.
    Toutefois, il reste des exigences non négociables, et la théorie de la position haute s’applique lorsque l’injonction relève de la hiérarchie institutionnelle et là il n’y a pas de discussion. Cela est entendable dès lors que l’on jongle habilement entre ces deux positionnements. Il reste toutefois primordial d’assurer les ajustements grâce aux échanges et à l’écoute favorisant la résolution empirique, quand la situation le permet.
    Ces stratégies assurent la compréhension mutuelle et les évolutions progressivement, sans bousculer les personnes.
  • 3- Prendre le temps nécessaire pour FAIRE GERMER le changement, en ACCOMPOMPAGNANT les transformations par étapes.
    En effet, toute évolution est un deuil de l’organisation précédente dans laquelle les personnes avaient leurs habitudes. Il faut donc laisser le temps de l’adaptation pour éviter le sentiment de retour en arrière, en valoriser l’expérience ou le regard vif de celui qui a la critique facile, afin de rassurer en répondant aux interrogations pour que chacun retrouve ses marques et puisse observer les incidences positives du changement.

La collaboration est donc la clé de voute de notre intervention, elle repose sur la confiance que nous entretenons dans nos relations professionnelles avec l’Equipe de vie scolaire mais aussi l’ensemble de la Communauté éducative.

II- La CONFIANCE c’est trouver l’HARMONIE mutuelle.

C’est apprendre à se satisfaire des réalisations professionnelles face aux aptitudes individuelles, sans se laisser influencer par ses attentes personnelles.
Pour cela, il faut avoir une vision plus vaste et comprendre la notion d’ Equipe comme un ensemble de compétences mises au service d’un but commun ; une organisation dans laquelle chacun se complète en gardant la certitude que l’autre donne le meilleur de lui-même. Cette observation n’empêche pas l’évaluation individuelle, mais axée sur le positif. En cela, elle encouragera sous forme d’objectifs graduels le développement de compétences professionnelles plutôt que de s’arrêter sur le constat d’un manquement. Cette stratégie peut être adaptée notamment dans le cadre des évaluations des assistants d’éducation par exemple.
Il faut donc avoir confiance dans la réalisation des missions institutionnalisées confiées à chacun, en gardant à l’esprit qu’elles s’entrecroisent avec nos propres besoins et aspirations qui elles même se heurtent aux nécessités de terrain -entre contraintes et possibilités de l’environnement de travail-. Tout le monde intervient dans son champs de compétences selon ses disponibilités et ses faisabilités.

S’investir dans une organisation collective en faveur d’un projet commun - faire équipe-, nécessitent d’avoir confiance : être assuré d’une solidarité et d’une loyauté mutuelle, qui ne peuvent être à sens unique sous peine d’être ressentie négativement comme de la soumission. C’est avoir la certitude d’une écoute bienveillante : entre une critique constructive qui nous permet de progresser professionnellement et le soutien dans notre travail pour ne pas nourrir le sentiment d’assumer seul .

Pour terminer, faire confiance est essentiel dans notre pratique de CPE car il faut savoir déléguer pour se consacrer à des missions qui nous tiennent à cœur. Cela participe d’ailleurs à développer les compétences professionnelles de l’Equipe qui s’investit en un cercle vertueux. C’est à cette condition que nous pourrons satisfaire les exigences de l’étendue de nos missions, tout en se permettant -aussi- de répondre à nos aspirations personnelles pour s’épanouir professionnellement, parce que nous le valons bien !

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