Dans le cadre de la lutte contre le harcèlement à l’école, un plan national global de prévention et de traitement des situations de harcèlement a été déployé depuis 2021 sur toute la France : le pHARe, programme de lutte contre le HARcèlement à l’école. Ce programme a été généralisé aux écoles et collèges à la rentrée 2022, et étendu aux lycées à la rentrée 2023. Dans l’Académie de Versailles, le plan de formation est tenu par le CAAEE. Il se déroule en plusieurs modules et prévoit un calendrier de formation par degrés et par département : écoles, collèges puis lycées pour une durée de formationde 2 ans.
QUID DU CAAEE
Le CAAEE, Centre Académique d’Aide aux Écoles et aux Établissements a été créé en 2001 par le Recteur de l’académie de Versailles, Daniel Bancel, à la suite de l’agression d’un professeur. En partant du principe que la violence est mieux contrée à l’école, il s’entoure d’une équipe pluricatégorielle composée de conseillers pour répondre directement aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement sur différents faits de violence scolaire, selon un protocole préalablement établi. Aujourd’hui, c’est Stéphanie DEMOY, I.E.N du 91, qui pilote le CAAEE qui poursuit ses objectifs de prévention, d’intervention et d’innovation.
QUE SAVOIR DE LA MPP ?
La MPP, Méthode de Préoccupation Partagée s’inspire de la méthode d’Anatol Pikas, un professeur en psychologie de l’éducation. La méthode Pikas est conçue pour développer l’empathie et briser les dynamiques de groupe. Cette méthode n’engendre pas de sanctions, car elle part du principe que la sanction ne règle pas le problème de fond.
En France, ce sont Jean-Pierre Bellon, Marie Quartier, et Bertrand Gardette qui adaptent et développent la méthode PIkas dans le cadre du programme de lutte contre le harcèlement pHARe déployé depuis 2022.
Il s’agit pour l’équipe ressource formée d’entourer la victime et sa famille d’une par et de briser l’effet de groupe, en réindividualisant chacun de ses membres d’autre par pour un retour apaisé pour tous les usagers.
LA MPP ET LES PÔLES RESSOURCES
En 2025, l’Académie de Versailles a en toute logique terminé son plan de formationconformément au calendrier ambitieux qu’elle s’est imposé. Néanmoins, sa mission de formation sur l’ensemble des pôles se poursuit sans relâche afin de continuer l’harmonisation des pratiques et de garantir une formation académique commune pour les personnels constituant les pôles ressource.
Aujourd’hui la MPP est utilisée dans les écoles avec des résultats variés, mais souvent encourageants. Chaque équipe fait face à des défis spécifiques, mais elle observe également des avancées notables dans la gestion des situations de harcèlement.
- Du Pôle Relais aux pôles de prise en charge à Arpajon
Au lycée professionnel Paul Belmondo d’Arpajon, les méthodes appliquées par le Pôle Relais ont été mises en place à la suite d’une FIL [1] , Formation à Initiative Locale, conçue sur 10 journées réparties sur l’année et consacrée au développement des postures professionnelles. Cette FIL permettait d’aborder des thèmes tels que la CNV, Communication Non Violente, la bienveillance et d’engager une réflexion commune sur la posture de l’enseignant face à la motivation des élèves, à l’estime de soi et aux sens donnés aux apprentissages.
Fort de cette dynamique de prise en charge, le proviseur de l’époque s’était donné l’objectif de former l’ensemble des professeurs et CPE sur 3 ans. Catherine Lechevalier, coordonnatrice du pôle relais du lycée Paul Belmondo depuis sa création, explique qu’à ce jour Le lycée a choisi de pérenniser sa formation initiale en mettant en place une série de journées de sensibilisation destinée aux enseignants dès le début d’année, ce qui permet aux équipes de reprendre régulièrement des problématiques contextualisées au lycée.
Aujourd’hui, au lycée Belmondo, deux pôles existent dans la prise en charge des élèves : le pôle relais, qui prend en charge les élèves en situation de décrochage, et le pôle pHARe.
- Le BAL à Longjumeau
Au lycée professionnel Jean Perrin à Longjumeau, le Pôle ressource, le BAL se crée en 2018 dans le but de prendre en charge les conflits entre élèves et de créer un lieu où chaque élève est reconnu par les adultes, notamment ceux qu’il ne connaît pas.
Frédérique Védrenne, professeur d’anglais et référente UPE2A, Unité Pédagogique pour Élèves Allophones nouvellement Arrivés, confie que selon elle, la société est culturellement ancrée dans une politique de la sanction et du bannissement, “il ya des gentils et des méchants. Alors que les choses sont toujours bien plus complexes. Il s’agit souvent de blessures : un harcelé devenu harceleur, un harceleur devenu harcelé. Il s’agit d’apprendre à gérer l’interpersonnel pour bien vivre ensemble en acceptant l’autre avec sa différence.”
En 2020, le nom du BAL, Bien-être Au Lycée se pose comme une évidence.
Guylaine Bonnissant, professeur de Maths-physiques/chimie et coordinatrice du BAL de sa création en 2018 jusqu’en 2024, explique qu’à son arrivée au lycée en 2002 les équipes pédagogiques n’étaient pas vraiment conscientes de la gravité et de l’impact du phénomène de harcèlement. Et les CPE traitaient. Le nom du BAL est choisi pour inclure plusieurs actions dans ce projet de bien vivre au lycée. Plusieurs ateliers sont proposés : atelier sur les émotions, groupe de paroles, prise en charge sophrologique. La culture de l’attention particulière se propage peu à peu car de plus en plus de collègues partagent des valeurs immuables sur leur rôle protecteur.
“La dimension psy, la prise en compte de la douleur sont des notions que les professeurs ont de plus en plus en tête. Au final, même lorsqu’on sort du BAL, on garde cette fibre de l’attention particulière”.
- Bien Vivre à L’Essouriau aux Ulis
En pleine formation pHaRe des lycées, une équipe de volontaires issus du corps professoral se constitue au lycée de l’Essouriau, pilotée par la Proviseure adjointe. Elle s’étoffe des CPE, de l’assistante sociale et de l’APS, [2] Assistant chargé de Prévention et Sécurité. Ce pôle ressource se constitue, se forme sur la MPP et tout en même temps traite les situations remontées par les collègues. Laurie Genin, professeure de Français/ histoire-géographie au lycée, a exprimé la volonté dès son arrivée en 2023 d‘intégrer le pôle ressource. Elle explique son engagement sur les questions de harcèlement depuis son expérience professionnelle d’assistante d’éducation dans une équipe de vie scolaire à Vénissieux. Elle indique que pratiquer la MPP n’est pas simple, la posture envers la cible et les intimidateurs nécessite une distanciation nécessaire pour accompagner chacun d’entre eux. La posture du diplomate lui permet plus aisément de prendre du recul sur les comportements qu’elle essaie de comprendre : “ On a tous été plus ou moins intimidateurs, parfois sans s’en rendre compte. Il faut savoir faire preuve d’humilité”. Selon elle, l’intention des intimidateurs n’est pas avérée car souvent ils font les choses “ pour rigoler”. Ainsi le suivi permet de les rendre conscients du mal-être provoqué. Il s’agit de leur faire ouvrir les yeux sans les stigmatiser. Laurie Genin pointe les axes d’amélioration dans l’organisation matérielle du pôle : tenir des permanences clairement identifiées sur les emplois du temps des personnels ressources, des documents partagés, papier ou numérique, afin de mieux suivre les situations et améliorer la communication entre les personnels ressources mais aussi avec l’ensemble des usagers. Pour cela elle a repéré des moments clés pour exposer le dispositif : lors de la pré-rentrée, les réunions parents, les journées portes ouvertes, etc. Ces temps de présentation permettent de faire rayonner les valeurs partagées et de rassurer la communauté éducative sur l’environnement dans lequel tous les usagers évoluent. Elle souhaite continuer à œuvrer dans le pôle pour déconstruire la banalisation des violences qui sont ancrées dans notre société et qui contribuent à relancer les discriminations.
- “Sentinelles et Référents” à Evry
Jordan Schwab est professeur de français au Collège de Galilée d’Évry, également FA, formateur associé [3] au CAAEE et formateur à la Ligue de l’enseignement. Sensibilisé à la prévention depuis très longtemps, Jordan Schwab relate qu’il a participé lorsqu’il siégeait au conseil des jeunes de la ville, à l’élaboration du court métrage DARELL, court métrage traitant du harcèlement scolaire.Il souligne que la MPP, bien que particulièrement efficace, nécessite une équipe formée et une évaluation constante de chaque situation de harcèlement. Il met l’accent sur l’importance d’une posture neutre et diplomate lors des entretiens, afin de guider les élèves vers la modification de leur comportement sans renforcer la dynamique de groupe négative. Dans le collège, "Sentinelles et Référents”, dispositif initié par Eric Verdier, [4], permet à des élèves volontaires d’agir contre le harcèlement, guidés par des adultes référents. Ce système permet d’impliquer les élèves dans la prévention du harcèlement, en leur fournissant les outils nécessaires pour repérer et intervenir efficacement. Le dispositif se compose d’adultes de statut pluricatégoriel : les AEd, la CPE, l’infirmière, les personnels administratifs mais aussi les médiateurs de la ville qui travaillent avec le collège et les autres établissements scolaires, les professeurs du primaire qui connaissent bien les familles et les fratries. De plus, le dispositif a élaboré un programme annuel de prévention sous forme d’ateliers par niveau pour intervenir dans toutes les classes du collège. Il s’agit de "Repérer/Intervenir /Référer/Et (pérenniser)" . Selon Jordan Schwab, la communication passe par la construction de ces réseaux qui allient tous les partenaires, enfants et adultes.
- Et dans les écoles du 1er degré ?
Du côté de l’école primaire, Sonia A. professeur des écoles explique que dans son école située à Grigny le RASED, Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté, joue un rôle important dans l’apaisement du climat scolaire puisque les professeurs du RASED se saisissent des situations particulières afin de renforcer la prise en charge des élèves en difficultés.
Du côté des Maternelles, Sihem B., enseignante depuis 2015 et en poste en école maternelle à Gennevilliers depuis 2 ans souligne l’importance d’apprendre aux élèves à gérer leurs émotions dès leur plus jeune âge. Bien qu’elle n’ait pas été formée directement à la MPP, elle applique certains principes de cette méthode dans son enseignement. Elle met l’accent sur l’empathie et la compréhension des émotions des uns et des autres. Elle complète son témoignage en expliquant qu’elle a pu observer que le harcèlement commençait le plus souvent en primaire. Dans sa classe, elle veille à ce que les enfants comprennent l’impact de leurs actions sur les autres, en particulier dans des situations où ils sont encore en train de développer leur maturité émotionnelle.
“Les enfants débordent d’émotions, ils n’ont pas de maturité émotionnelle. Le professeur des écoles doit leur apprendre à gérer leurs frustrations, à poser des mots sur leurs émotions. Il s’agit de connaître les étapes du développement psychomoteur de l’enfant pour pouvoir adopter une didactique adaptée à chacun d’eux.” Elle conclut par le fait que la relation avec les parents est primordiale pour encadrer chaque enfant dans ce qu’il vit.
Renforcer le développement des compétences psychosociales.
Ce tour d’horizons inter degrés permet de montrer que la MPP, quand elle est correctement appliquée, offre des résultats positifs en réduisant les comportements agressifs et en favorisant un climat de bienveillance et d’empathie. La communication, sa fluidisation et son maintien constant restent des challenges permanents pour asseoir la pérennisation des pôles.
« Il faut tout un village pour élever un enfant. »
Ce proverbe, venu d’outre-mer, souligne l’importance de l’implication collective dans le soutien à un enfant. C’est en mobilisant la communauté éducative, comme ce village, et en échangeant nos préoccupations dès les premiers signes, que la MPP aide à prévenir les blessures invisibles qui marquent l’adulte en devenir.
Cette méthode nécessite en conséquence un investissement collectif et une formation adéquate. Elle replace l’élève au centre du système dans sa problématique en proposant un regard croisé, un soutien de sa communauté éducative. Elle s’avère essentielle pour faire face aux problématiques de harcèlement scolaire et pour construire un environnement éducatif toujours plus serein et respectueux en s’appuyant sur le développement des compétences psychosociales des enfants tout au long de leurs chemins d’école.
- POUR ALLER PLUS LOIN :
— > consultez en ligne le digipad FORUM 91






