Le CPE dans la politique éducative de l’établissement

, par Louise MARIE

La politique éducative, le rôle du CPE et la place de la vie scolaire, un fonctionnement en perpétuelle évolution.

Il faut distinguer politique éducative et stratégie éducative, concept englobant.
Depuis le traité de Lisbonne en 2000, l’Union Européenne a adopté une vision stratégique globale de son développement, l’éducation en faisant partie, pour accroître son économie de la connaissance. Par la Méthode Ouverte de Coordination, les états membres ont des objectifs chiffrés en termes de décrochage scolaire, en taux de diplomation et d’insertion professionnelle, ce qui influence leurs politiques publiques.
La loi d’orientation du 23 avril 2005, conjuguée avec la recherche de la performance dans le cadre de la LOLF, offre des moyens aux établissements publics locaux d’enseignement pour mieux utiliser leur autonomie en vue d’améliorer la réussite des élèves.
L’environnement éducatif étant en constante évolution, une adaptation permanente est nécessaire, comme l’a montré la crise sanitaire qui a rebattu les cartes.
Cette adaptation est mise en œuvre à deux niveaux : le niveau central se charge de l’adaptation au méta-environnement et de la régulation du système alors que l’établissement adapte le service d’éducation au besoin public local.
Depuis 2015, un nouveau modèle de gouvernance éducative émerge : la transition éducative.
Elle désigne les changements qui sont en cours. Il existe des formations sur CANOPE et même un DU "Acteur de la transition éducative", qui prône un fonctionnement plus horizontal et plus autonome en personnalisant les parcours des élèves et impliquant davantage les enseignants.
Il faut dire que la fracture entre la culture scolaire et la culture de masse s’avère de plus en plus profonde : la massification de la culture adolescente ainsi que la place croissante du numérique qui bouleverse les relations au sein des établissements en créant, à travers les réseaux sociaux, des liens quasi permanents entre les élèves, ont entraîné une forme de repli sur le groupe des pairs au détriment des relations intergénérationnelles (Pierre SAGET, IGEN, 2014).

Selon Stéphane GERMAIN dans Le management des établissements scolaires, il y a 5 dimensions principales dans la politique éducative : contenus de formation, pédagogie numérique, parcours de formation et d’orientation, égalité des chances, et climat scolaire. Le Conseiller Principal d’Education ne doit pas se laisser réduire à cette dernière, il a toute sa place en pédagogie car il a aussi un rôle de transmission des valeurs républicaines et de compétences citoyennes. Membre de droit du conseil pédagogique et du CESCE, il est à l’interface de la transmission des savoirs et des savoirs-être des élèves.

La politique éducative exprime la construction pédagogique de l’établissement et est formulée dans le projet d’établissement. Elle doit répondre à des besoins éducatifs locaux clairement identifiés, elle exprime la capacité de l’établissement à construire une réponse éducative pertinente efficace et équitable qui prend en compte le contexte de l’établissement, ses forces et son savoir-faire, son environnement.
Basée sur un diagnostic partagé, elle doit permettre à tous les membres de la communauté éducative de s’investir et de devenir acteur pour la qualité du climat scolaire.

Selon DEBARBIEUX (2015) un consensus existe pour dire que, le climat scolaire dépend de plusieurs éléments : l’efficacité pédagogique (qualité de l’enseignement et des apprentissages), les relations, la sécurité (physique et morale), l’environnement physique (qualité des locaux, propreté) et le sentiment d’appartenance. Le sentiment de justice scolaire (règles justes et sanctions éducatives), le niveau moral et l’engagement du personnel éducatif sont aussi à considérer.

Dans l’annexe 2 ci-jointe, il est stipulé qu’il y a 3 piliers dans le fonctionnement des établissements : ses instances, son autonomie et son projet d’établissement, avec une nécessaire imbrication des actions pédagogiques et éducatives signant la fin théorique de la division du travail éducatif.
Hélas, dans bon nombre d’établissements, les objectifs pédagogiques et éducatifs demeurent juxtaposés plutôt que coordonnés et l’action des enseignants et des personnels d’éducation est encore beaucoup trop cloisonnée.
Inciter les élèves à prendre des responsabilités dans l’établissement constitue la seconde condition d’une politique éducative vivante. Il faut donner un contenu concret et dynamique au fonctionnement des instances de participation, mais aussi favoriser des actions et des situations qui encouragent leur prise d’initiatives. Idéalement et surtout en lycée, les élèves doivent pouvoir organiser des activités sans le contrôle et la régulation systématiques des adultes.

Quelle place pour le CPE dans la participation au volet éducatif du projet d’établissement ?

Selon les termes de son référentiel de métier, c’est le chef d’établissement, premier pédagogue de son EPLE qui « impulse et conduit la politique pédagogique et éducative de l’établissement ». La fonction éducative du chef d’établissement est ainsi envisagée comme distincte et complémentaire de sa fonction pédagogique.
Dans le schéma ci-joint (voir ci-dessous) de simplification du pilotage des établissements est montrée la circularité du fonctionnement qui permet d’évaluer la politique éducative pour mieux la réajuster. Grâce aux évaluations d’établissements, il est possible de planifier un projet cohérent à partir de diagnostics précis et chiffrés.

Les CPE quant à eux contribuent à la définition, au pilotage et au suivi de la politique éducative de l’établissement. Conformément à la circulaire du 28 octobre 1982, leurs responsabilités s’inscrivent et doivent être assurées « dans la perspective de la mission éducative de l’établissement » et « dans le cadre global du projet d’établissement ». Les CPE ont pour mission de piloter le service de la vie scolaire, celui-ci étant une composante essentielle mais non exclusive de la politique éducative. Ils conseillent le chef d’établissement et l’équipe de direction ainsi que l’ensemble de la communauté éducative dans le domaine de la politique éducative dont ils contribuent à garantir la continuité, la cohérence et la pertinence. Les CPE assurent, avec les autres personnels, le respect des règles de vie et du droit dans l’établissement ainsi que le suivi des élèves. Ces constats ont conduit l’inspection générale « Établissement et vie scolaire » à proposer aux IA-IPR, chargés de l’évaluation des CPE, un protocole d’inspection adapté. Sa déclinaison constitue déjà une approche de la politique éducative d’un établissement scolaire.

Le CPE peut contribuer à recentrer le projet d’établissement autour des besoins des élèves pour gagner en cohérence et éviter l’amoncellement et/ou la superposition de projets individuels et arbitraires.
Et ainsi participer à réduire la distance entre le prescrit (projet structuré articulé au contrat d’objectifs) et le réel, c’est-à-dire un important manque de formalisation, documents non mis à jour, manque de cohérence, absences d’objectifs communs partagés, projet obsolète…
Du point de vue des CPE, la façon même dont sont conçus les emplois du temps des élèves relève de la politique éducative. De nombreuses heures de permanence ou des élèves laissés en déshérence donnent une certaine idée du service vie scolaire qui fait de la garderie/surveillance en lieu et place de travail éducatif de fond.

Si le projet d’établissement est obsolète voire inexistant, une question se pose : comment fonctionne un établissement sans formalisation ? C’est qu’il se repose souvent sur son règlement intérieur assurant un fonctionnement opérationnel. Par la routine de la distribution des savoirs et des ouvertures de portail, pas par un projet global qui doit mettre en cohérence contrats d’objectifs, projet d’établissement, son volet éducatif, règlement intérieur et projet de service Vie Scolaire. Le risque est conséquent : perte de sens, démotivation des équipes, pas de cohésion, pas de réflexion en commun, affaiblissement du collectif au profit d’un fonctionnement individuel, pas de mobilisations sur de nouvelles problématiques (porosité des établissements aux enjeux sociétaux).

Quelle place véritable pour le CPE dans son établissement, qui a ses propres règles informelles de fonctionnement (théorie de l’acteur stratégique de Crozier et Friedberg) ? Doit-il la prendre pouce par pouce, comme un sportif sur un terrain de jeu qui scanne son environnement, doit-on lui donner ? Dépend-il de la marge de manœuvre qu’on lui accorde ? Possède-t-il un pouvoir réel d’influence auprès des différents acteurs ? Beaucoup de choses sont conditionnées voire verrouillées par la politique managériale, l’importance stratégique accordée à la vie scolaire, l’ancienneté de la prise de poste, l’historique organisationnel de l’établissement, la vision personnelle qu’a le CPE de son propre rôle et l’étendue de son leadership.

Le Conseil d’Administration est plus un organe d’approbation des décisions qu’un organe d’élaboration, le cadre législatif prévoit des organes consultatifs préparatoires qui participent à la mobilisation de l’intelligence collective. Le CPE y est bien membre de droit, donc non éligible s’il est seul en poste, cependant il est à noter qu’en LP, il doit partager sa voix avec le DDFPT, cela est généralement peu relevé.
Certains CPE ont de plus en plus le sentiment d’être des "marginaux sécants". Selon Michel Crozier, le MARGINAL SECANT est un acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut donc jouer le rôle d’intermédiaire entre les logiques d’action différentes voire contradictoires. C’est là sans doute que réside la vraie légitimité des CPE dans l’application des politiques éducatives.

La place de la vie scolaire dans la politique éducative de l’établissement

La politique éducative de l’établissement ne signifie pas forcément de grands projets au quotidien !
Elle est aussi incarnée par le projet de service de vie scolaire qui concerne le fonctionnement du service. Il est validé par le chef d’établissement, mais contrairement au projet éducatif de vie scolaire, il n’a pas à être négocié avec les autres acteurs de l’établissement. Le projet éducatif de vie scolaire relève d’un processus collectif orienté vers la vie des l’élèves et de l’établissement. C’est le moteur de la politique éducative. La réalisation des actions et les résultats de leur évaluation sont l’affaire de tous (même s’il est souvent rédigé et/ou piloté par les CPE) Les deux projets sont conçus et se réalisent nécessairement en synergie. Il y a forcément des zones de recouvrement, mais cela ne doit pas faire perdre de vue leur complémentarité ni leur indispensable articulation.

En tant que chef du service de vie scolaire par délégation, le suivi et l’organisation des différentes tâches et missions des Assistants d’Education (AED) sont essentiels pour le bon fonctionnement de l’établissement public local d’enseignement (EPLE). Le sentiment de sécurité est renforcé par une surveillance des élèves hors la classe, efficiente et visible de la part des AED. On le sait, les CPE conseillent le chef d’établissement quant à l’organisation des déplacements des élèves de leur entrée en salle de classe, aux récréations, aux intercours et pendant le temps méridien.
Les espaces et temps de détente, à l’internat ou pendant la pause de midi doivent aussi être organisés afin de permettre un environnement de bien-être et de détente. Les AED seront informés et formés pour garantir un environnement serein et de qualité pour tous les élèves. En outre, il est important de soulever les besoins de formation des AED, comme par exemple l’actualité récente du plan Laïcité et Valeurs de la République dans les établissements scolaires.
Les dysfonctionnements de la vie scolaire, véritable poumon des établissements, sont souvent révélateurs d’une politique éducative floue ou compromise par des conflits internes.
Pour éviter les discours éducatifs dissonants, il paraît nécessaire de réellement former les personnels de Vie Scolaire aux gestes professionnels pour en faire de véritables « éducateurs de vie scolaire ». La politique éducative peut au final se lire aisément dans le quotidien professionnel des équipes, jusqu’au recueil des procédures de fonctionnement, des fiches et des grilles de postes.
Tout cela doit être enclos dans le volet éducatif du projet d’établissement pour une cohésion donnant du sens à l’ensemble, tissant un continuum entre les valeurs annoncées et par exemple, la circulation des flux d’élèves en toute sécurité.

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