Co-pilotage : la richesse du travail entre CPEs

, par Catherine FORET

Co-pilotage en harmonie -pays merveilleux-

Cet article propose des pistes de réflexion sur la coopération entre CPE ; il est complété par 2 interviews de collègues interrogés sur le sujet (audios disponibles à la fin de l’article).

Afin de replacer la mairie au milieu du village un petit rappel de notre circulaire de missions s’impose :

Bulletin officiel n°31 du 27 août 2015 : Missions des conseillers principaux d’éducation

Extrait :
« Les missions générales des conseillers principaux d’éducation (CPE) sont définies à l’article 4 du décret n° 70-738 du 12 août 1970 modifié relatif au statut particulier des conseillers principaux d’éducation : « Sous l’autorité du chef d’établissement et éventuellement de son adjoint, les conseillers principaux d’éducation exercent leurs responsabilités éducatives dans l’organisation et l’animation de la vie scolaire, organisent le service et contrôlent les activités des personnels chargés des tâches de surveillance. [...]
La circulaire n° 82-482 du 28 octobre 1982 est abrogée par la présente circulaire qui actualise les missions des CPE […]

[Le BO rappelle que] l’ensemble des responsabilités exercées par le CPE se situe dans le cadre général de la « vie scolaire » qui peut se définir ainsi : placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel.
[…] le CPE [concepteur de son activité] participe, au plus près des réalités scolaires et sociales de l’établissement, à la définition de la politique éducative portée par le projet d’établissement. […]
[…] Leurs responsabilités se répartissent dans trois domaines : la politique éducative de l’établissement, le suivi des élèves et l’organisation de la vie scolaire. »

Connaître son champ d’intervention c’est bien, l’investiguer c’est mieux… mais à plusieurs comment fait-on ?

Nous savons qu’il n’y a pas un contexte d’établissement identique, d’organisations qui se ressemblent, ni même de CPE semblables... et heureusement c’est ce qui fait tout notre charme !
Nous travaillons dans des établissements différents, avec des Communautés scolaires et des publics différents, sur des situations complexes, ainsi notre première capacité est de s’adapter…
Mais notre espace d’intervention est tout aussi informe. Bien que « la vie scolaire » soit définie par un cadre institutionnel, elle reste un espace malléable dont l’étendue reste floue. Le terme de vie scolaire peut s’entendre à la fois comme un Service sur lequel repose tout ce qui ne serait pas attrait à la pédagogie / à la didactique (tout à l’Ecole est pédagogie, mais dans le sens noble du terme par opposition traditionnelle à l’éducatif) ; et aussi être interprété comme l’espace-temps de "vie de l’élève" favorable au développement et à l’acquisition de compétences psycho-sociales.
Ainsi c’est dans cette matrice indéfinissable, que nous pouvons envisager comme une équation variable -un système singulier- propre à chaque établissement, que nous exerçons nos missions. Nous avons la responsabilité d’organiser son fonctionnement selon les exigences d’un contexte particulier et nous devons nous adapter seul ou à plusieurs…
Il est inutile dès lors de rappeler qu’une recette qui fonctionnait dans nos précédents établissements ne pourra être appliquée à la lichette prêt ; chaque établissement est différent de par ses spécificités et son historique ; et ce que nous étions ou même incarnions dans notre métier ailleurs, nous devons le réapprendre et s’approprier les particularités dès notre arrivée dans un nouvel environnement, -encore plus- lorsque l’on travaille à plusieurs.

Le défi de travailler en équipe nous est familier, cela fait partie du corps de notre métier que nous pouvons concevoir comme un « Hub » : une grande aérogare qui organiserait et traiterait les arrivées, organiserait les départs sans collision. En effet, nous recevons, traitons et dispatchons les informations, mais un CPE sans Equipes enseignante, médico-sociale, vie scolaire... serait un pantin sans yeux, sans bras et sans jambes…
L’Enjeux de travailler à plusieurs CPE est donc bien de se faire connaître à travers sa pratique professionnelle auprès de la Communauté scolaire et de trouver sa place dans une Equipe - entre partage des responsabilités et collaboration quotidienne-.

Mais comment trouver l’équilibre entre les représentations personnelles et les attentes des collègues CPE ? D’avantage encore lorsque s’ajoutent celles du Chef d’Etablissement et de toute la Communauté Educative, dans un service « sous les feux de la rampe », quotidiennement soumis au regard et jugement de tous ?
Comment rester pragmatique devant des points de tensions qui nous dérangent ou nous questionnent ? Quand le regard critique vient des autres services, cela peut déjà être déroutant, mais lorsque les tensions surgissent de l’intérieur ? Comment gérer ?

Il est important d’instaurer une communication confiante et des temps de concertation lors de réunions de CPE hebdomadaires (ou tout du moins régulières) notées à notre agenda pour s’octroyer un temps de parole libre mais respectueux. En priorité, c’est se rendre disponible -arriver à l’heure et bloquer ce créneau est essentiel pour affirmer la considération d’un travail collaboratif nécessaire-. Cela permet d’échanger loin de tout/tous, sur des points de la semaine et se mettre au diapason. Evidemment ces échanges seront formalisés différemment si l’on forme un duo, que l’on travaille à trois ou à quatre, mais nous devons composer avec nos différences et se tenir à ce qui nous rassemblent pour rester professionnels sur nos objectifs communs.
Ce temps -presque volé- facilite les explicitations indispensables d’un co-pilotage harmonieux et l’ajustement du positionnement à adopter collégialement pour préparer nos interventions notamment auprès de l’Equipe de vie scolaire, devant laquelle nous devons garder la même ligne de conduite.
Il est primordial de ne pas se contredire et ne pas se laisser mettre en rivalité. Nous pouvons être interpellé ou interloqué sur des décisions ou des situations. La meilleure des réponses est de remettre à plus tard -laisser faire une situation qui se présente- et répondre que nous en parlerons à nos collègues pour apporter une réponse ultérieurement.
Facile à dire, me direz vous, mais il est important de reconnaitre la singularité de nos collègues qui peuvent être amener à prendre une décision sans consultation et accorder ce droit, puisque nous gérons du quotidien et de l’humain, cependant le dialogue est essentiel pour ne pas tomber dans le jugement ou le ressenti, et ne pas laisser les incompréhensions s’installer contre notre gré.

Il faut donc reconnaitre la complémentarité des compétences comme un enrichissement dans notre métier. C’est l’essence même d’une Equipe riche, que nous cherchons à constituer lors de nos recrutements. Rare sont les collègues adeptes des « stormtroopers » (soldats clones de l’armée impériale dans Star Wars, pour la référence).
Ainsi, en arrivant, nous pouvons apporter un regard neuf ou des idées nouvelles tout en nous appuyant sur l’expérience des collègues expérimentés pour appréhender l’établissement et son fonctionnement.
Les espaces numériques de travail paraissent des outils indispensables pour faciliter cette collaboration ; pour que chacun puisse avoir un libre accès aux outils de fonctionnement sans se sentir à l’écart.
La mise en place d’un PSVS (Projet de Service de Vie Scolaire) dans un espace numérique partagé (attention RGPD) peut être une solution. Ce recueil d’outils fonctionnels de service permet d’établir collégialement un cadre d’intervention pour harmoniser nos pratiques. Il peut prendre la forme d’un classeur disponible en vie scolaire, mais l’accès aux documents sources numériques sur un drive garantie à chaque CPE de disposer à sa guise des outils et proposer des modifications soumises à concertation en toute confiance.

Pour travailler en harmonie, il faut émietter ensemble le terreau du service : établir les outils fonctionnels communs comme évoqués plus haut : grilles de postes, fiches de postes, et tous les documents usuels du service et les revoir pour modification éventuelles chaque année. Ce travail de feed-back organisationnel doit être engagé dès lors que nous travaillons à plusieurs, car il permet de revoir et d’ajuster ses pratiques, mais surtout il garantit de ne pas enfiler des bottes trop grandes ou trop petites et se sentir mal à son aise parfois des années durant. Ces situations loin d’être enrichissantes n’aboutissent à rien, chacun doit trouver sa place au sein de l’Equipe et s’épanouir professionnellement. Travailler en bonne intelligence c’est accepter la remise en question mutuelle pour refuser ensemble la remise en cause.

Dans la gestion de l’Equipe de vie scolaire, il est important de veiller à trouver un équilibre notamment dans la responsabilité de « la gestion RH » (plutôt administrative en lien avec le Chef d’Etablissement et le secrétariat) et celle de la gestion quotidienne de fonctionnement du service.
La « gestion RH » n’empêche pas la participation des collègues aux recrutements, aux formations en coanimation ou aux évaluations, mais elle identifie au moins un interlocuteur privilégié auprès de l’Administration.
Il est ensuite important de partager les jours en responsabilité, cela permet de ne se bloquer que quelques jours (selon le nombre de CPE) pour être disponible sur le temps de la demi-pension par exemple, sans déserter selon les nécessités du jour bien sûr ; mais en étant assuré que le collègue se charge -selon son fonctionnement, mais dans les lignes fixées collégialement- des ajustements sur ses journées en responsabilité.
Extrait du BO : « les CPE précisent les tâches et les emplois du temps de chaque membre de l’équipe de vie scolaire dans un souci de continuité, de cohérence et d’efficacité du service à rendre mais aussi dans le respect des personnes et des règles régissant leurs conditions d’exercice. Ils repèrent les besoins de formation de ces personnels et proposent des actions de formation au chef d’établissement. Ils peuvent contribuer à leur évaluation. »
Cette responsabilité ne peut être la charge d’un seul CPE car cela risquerait de faire naître des tensions dans l’Equipe, tant pour la personne qui s’en occupe -puisque la charge de travail est conséquente- que pour les collègues, relégués au second rang vis-à-vis de l’Equipe.
Par ailleurs, toute organisation engageant un partage des tâches qui nous incombent doit être instituée avec l’aval du Chef d’établissement afin d’établir un cadre de travail clair et serein. Elles peuvent s’étendre aux autres missions comme l’animation de la vie de l’élève selon les projets du CVL, de la MDL, ou des missions particulières ou inhérentes à notre travail quotidien.

Ainsi il ne faut pas perdre de vue l’importance de notre posture professionnelle qui ne peut être déstabilisée par les dysfonctionnements ou les tensions dues à la fatigue, car nous travaillons sur de l’humain et intervenons dans une forme d’urgence quotidienne.
Voir ses collègues comme des appuis ou des ressources, des points d’encrages et reconnaitre la complémentarité de nos expériences professionnelles, comme des relais dans la gestion des situations complexes qui permettent d’échanger les regards, de prendre du recul même dans le suivi des élèves qu’ils n’ont pas en charge.
Comme sur le site internet des CPE DE L’ACADEMIE DE VERSAILLES, nous enrichissons notre pratique professionnelle grâce au partage, en nous inspirant les uns des autres pour innover et se réinventer dans nos projets, nos idées et nos outils. C’est le fondement même de notre travail collaboratif au sein du Groupe d’Expérimentation Pédagogique auquel nous participons et par lequel ce site existe.
C’est pourquoi nous sollicitons votre participation pour continuer d’alimenter les articles suivants et partager vos idées, vos évènements, vos projets, pour continuer de nous inspirer mutuellement.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)